Édition, exploration et exploitation numériques des registres d’assemblées de la Comédie-Française (1680-1921)

Candidate : Marine Tiger

Direction de la thèse : Florence Naugrette (Sorbonne Université/Cellf) et Sara Harvey (Université Victoria, Canada)

Titre complet : Édition, exploration et exploitation numériques des registres d’assemblées de la Comédie-Française (1680-1921)

Date de début de la thèse : Octobre 2023

Résumé de la thèse : Si les Manufactures de Beauvais et d’Aubusson ont récemment fait l’objet d’études approfondies, les Gobelins, l’une des institutions les plus réputées de son temps, ne bénéficie pas encore d’une synthèse qui permettrait de la restituer dans le paysage européen de la création textile du siècle des Lumières. Depuis les travaux fondateurs de Maurice Fenaille, de Gustave Geffroy ou de Jules Guiffrey sur la Manufacture royale des Gobelins au XVIIIe siècle, rares ont été les publications après 1945 traitant de cette institution d’un point de vue global. En effet, les différentes monographies consacrées aux artistes de l’Académie royale de Peinture et de Sculpture comme Charles-Joseph Natoire ou Jean-Baptiste-Marie Pierre, ont permis d’éclaircir une partie de la production des Gobelins au XVIIIe siècle. Néanmoins les peintres-cartonniers travaillant exclusivement pour la Manufacture, comme Le Cadet Lemaire, Louis Tessier ou Maurice Jacques par exemple demeurent inconnus, à l’instar de leurs œuvres. Le passage du carton à la tapisserie grâce aux artisans des Gobelins a été examiné pour certaines tentures, mais aucune recherche d’ensemble n’a tenté d’embrasser toute la production du siècle dans une perspective d’histoire sociale (notamment d’histoire des institutions et des manufactures royales) et d’histoire matérielle et immatérielle de l’art : la mutation des techniques de fabrication des peintures et du tissage et ses répercussions sur la pratique des artistes reste à écrire. De même, les cartons peints étant des artefacts en cours de patrimonialisation au siècle des Lumières, leur fonction dans le processus de création est essentielle pour qui voudrait comprendre les enjeux contemporains de préservation et de présentation de ces « modèles pour tissage ». L’histoire des Gobelins est de cette façon un autre versant des pratiques artistiques au sein des manufactures au XVIIIe siècle.

Dès lors, cette thèse se propose d’étudier sous de multiples aspects la Manufacture royale des Gobelins, de sa réouverture en 1699 jusqu’en 1794, date de sa réorganisation. De 1790 à 1794, le système d’entreprise instauré sous l’Ancien Régime disparut, puis une réforme remplaça le salaire à la tâche par une rémunération hebdomadaire. Enfin, le Comité de salut public chargea un jury d’une mission de réforme administrative et artistique, clôturant ainsi le fonctionnement des Gobelins qui avait cependant perduré tout au long du siècle. Cette chronologie a donc pour avantage de couvrir une large période du XVIIIe siècle et surtout des thématiques nombreuses, qu’il s’agira de mettre au jour pour mieux comprendre leurs interactions. Elle permettra d’observer les grandes modifications d’une administration externe dirigée par les contrôleurs généraux des finances et les surintendants des bâtiments du roi et de considérer la gestion interne effectuée par les architectes et les peintres de l’Académie royale de Peinture et de Sculpture. Cela sera également l’occasion d’étudier les acteurs, les productions et les ateliers de la Manufacture, à travers les peintres de modèles et les peintres- cartonniers. Ainsi, entre 1699 et 1794, plus d’une quarantaine de tentures ont été tissées et plus de deux cents sujets ont été commandés. L’étude du processus de création des tentures s’appuiera à la fois sur les tapisseries et sur les cartons peints, comme témoins matériels des mutations de la Manufacture des Gobelins. Cette période fut marquée par l’apparition de motifs originaux (arabesques, rocailles), d’une préoccupation nouvelle pour la conservation du carton peint (conférences de l’Académie, direction de Jean-Baptiste Oudry), d’une évolution des techniquesde tissage (calques, pigments, coloris, amélioration des teintures), d’une reconnaissance progressive durant le siècle pour le statut accordé au peintre-cartonnier dans l’élaboration des bordures et dans la transcription du modèle à la maquette.

Les différents chantiers des collections, à travers les récolements et les restaurations conduits depuis une vingtaine d’années au Mobilier national favorisent le développement d’une thèse sur ce sujet. Mais ce sont des sources d’archives inédites qui constitueront la base de ce doctorat, autant aux Archives nationales de Paris et de Pierrefitte-sur-Seine (série O1 et O2), qu’au Mobilier national (inventaires nouveaux et anciens et les série GOB, G, G* et « divers ») ou encore à la Bibliothèque de la ville de Paris (état civil) et la Bibliothèque nationale de France (département des manuscrits). Leur dépouillement, permettra de redéfinir le corpus des œuvres produites pour et par les Gobelins, d’étudier la gestion financière (budget, commandes, salaires), la direction artistique (correspondances administratives, brevets) et d’apporter ainsi des éléments essentiels à la compréhension de la Manufacture au XVIIIe siècle. Les mémoires d’artistes et de contemporains, apporteront également un éclaircissement supplémentaire aux différentes étapes de création dans les ateliers et aux évolutions des techniques. De même, les rapports de restauration, les dessins conservés sur le site et les registres d’acquisitions récentes de l’institution seront une aide précieuse.

Ainsi, le Centre d’expérimentation en méthodes numériques pour les recherches serait un tremplin pour cette thèse. L’interdisciplinarité est au cœur de ce sujet, qui recouvre des domaines comme l’histoire des institutions, l’histoire des matériaux, les humanités numériques ou l’histoire matérielle de l’art. Cette étude pourrait également permettre la constitution d’une base de données sur les cartons peints, à la fois théorique, visuelle et scientifique à destination de tous, tant professionnels que publics. En effet, le traitement numérique des documents concernant les cartons peints est complexe car il est au carrefour desnotions de création artisanale et manufacturière, de conservation, de restauration, d’expositionet d’accrochage au sein du musée. Cette thèse pourrait ainsi contribuer à dessiner les contours d’une patrimonialité spécifique aux cartons et ainsi le rendre plus accessible par une base de données. Si la Manufacture des Gobelins et les cartons peints ont été abordés dans des publications relatives à des expositions, cette étude permettrait d’enrichir de façon considérable les connaissances de la Manufacture par l’apport de ressources archivistiques inédites. Ainsi, la constitution d’un musée numérique et l’éventuel reconstitution d’ensembles aujourd’hui dispersés pourront prendre appui sur un catalogue exhaustif réunissant les différentes étapes de la création textile au XVIIIe siècle et permettre une nouvelle compréhension des enjeux propres à la Manufacture des Gobelins. Par ailleurs, la constitution d’un glossaire des pratiques et des matériaux sera également au cœur de cette recherche, ainsi qu’un dictionnaire numérique inédit des peintres- cartonniers du XVIIIe siècle. Enfin, ce projet favorise également les échanges avec les institutions allant du Mobilier national au musée du Louvre, en passant par le château de Versailles ou de Fontainebleau, ainsi que les musées des Beaux- Arts de Tours ou de Rennes par exemple.

abstract in english :

While the Manufactures de Beauvais and d’Aubusson have recently been the subject of in-depth studies, the Gobelins, one of the most renowned institutions of its time, has yet to benefit from a synthesis that would enable it to be reinstated in the European landscape of textile creation in the Age of Enlightenment1. Since the seminal works of Maurice Fenaille, Gustave Geffroy and Jules Guiffrey on the Manufacture Royale des Gobelins in the 18th century, there have been few publications after 1945 dealing with the institution from a global perspective2.Indeed, the various monographs devoted to artists from the Académie royale de Peinture et de Sculpture, such as Charles-Joseph Natoire and Jean-Baptiste-Marie Pierre, have shed light on some of the Gobelins’ production in the 18th century. Nevertheless, the painters-cartonniers working exclusively for the Manufacture, such as Le Cadet Lemaire, Louis Tessier and Maurice Jacques, remain unknown, as do their works. The transition from cardboard to tapestry thanks to Gobelins craftsmen has been examined for certain hangings, but no comprehensive research has attempted to embrace the entire century’s production from a social history perspective (notably the history of royal institutions and manufactures) and a material and immaterial history of art: the changes in painting and weaving techniques and their repercussions on artists’ practices have yet to be written. Similarly, as painted cartoons were artifacts in the process of becoming part of the heritage of the Age of Enlightenment, their function in the creative process is essential to understanding contemporary issues of preservation and presentation of these “models for weaving”. In this way, the history of the Gobelins is another facet of artistic practices in 18th-century factories.

This thesis therefore examines the Manufacture royale des Gobelins from its reopening in 1699 to its reorganization in 1794. From 1790 to 1794, the company system established under the Ancien Régime disappeared, followed by a reform that replaced piecework wages with weekly remuneration. Finally, the Comité de salut public (Public Salvation Committee) appointed a jury to carry out administrative and artistic reforms, bringing to a close the Gobelins’ operations, which had nonetheless continued throughout the century. The advantage of this chronology is that it covers a broad period of the 18th century, and above all a wide range of themes, which will be brought to light to better understand their interactions. It will allow us to observe the major changes in an external administration led by the Contrôleurs Généraux des Finances and the Superintendants des Bâtiments du Roi, and to consider the internal management carried out by the architects and painters of the Académie Royale de Peinture et de Sculpture. This will also be an opportunity to study the actors, productions and workshops of the Manufacture, through the model painters and the cartonnier painters. Between 1699 and 1794, more than forty hangings were woven and over two hundred subjects commissioned. The study of the process of creating hangings will be based on both tapestries and painted cartoons, as material witnesses to the changes at the Manufacture des Gobelins. This period was marked by the emergence of original motifs (arabesques, rocailles), a new concern for the conservation of painted cartoons (conferences at the Académie, under the direction of Jean-Baptiste Oudry), developments in weaving techniques (tracings, pigments, colors, improved dyes), and a gradual recognition throughout the century of the status accorded to the painter-cartonnier in the elaboration of borders and in the transcription of the model to the maquette.

The various projects carried out at the Mobilier National over the past twenty years, in terms of collection recollection and restoration, have encouraged the development of a thesis on this subject. But it is unpublished archival sources that will form the basis of this doctorate, whether at the National Archives in Paris and Pierrefitte-sur-Seine (series O1 and O2), at the Mobilier national (new and old inventories and series GOB, G, G* and “divers”) or at the Bibliothèque de la ville de Paris (civil status) and the Bibliothèque nationale de France (manuscript department). Their examination will enable us to redefine the corpus of works produced for and by the Gobelins, to study financial management (budget, orders, salaries) and artistic direction (administrative correspondence, patents), and thus provide essential elements for understanding the Manufacture in the 18th century. The memoirs of artists and contemporaries will also shed further light on the various stages of creation in the workshops, and on the evolution of techniques. Similarly, restoration reports, drawings preserved on site and the institution’s registers of recent acquisitions will be invaluable.

In this way, CERES would be a springboard for this thesis. Interdisciplinarity is at the heart of this subject, which covers fields such as the history of institutions, the history of materials, digital humanities and the material history of art. This study could also lead to the creation of a theoretical, visual and scientific database on painted cardboard, for use by professionals and the general public alike. Indeed, the digital processing of documents concerning painted cardboard is complex, as it is at the crossroads of the notions of craft and manufacturing creation, conservation, restoration, exhibition and hanging within the museum. This thesis could thus contribute to outlining the contours of a patrimoniality specific to cartons, and thus make them more accessible through a database. While the Manufacture des Gobelins and its painted cartons have already been the subject of a number of exhibition publications, this study would considerably enrich our knowledge of the Manufacture by providing us with previously unpublished archival resources.In this way, the creation of a digital museum and the eventual reconstitution of sets that are currently dispersed could be based on an exhaustive catalog of the different stages of textile creation in the 18th century, and provide a new understanding of the issues specific to the Manufacture des Gobelins.The creation of a glossary of practices and materials will also be at the heart of this research, as will an unpublished digital dictionary of 18th-century cardboard painters.Last but not least, this project also fosters exchanges with institutions ranging from the Mobilier National to the Louvre, via the Château de Versailles and the Château de Fontainebleau, as well as the Beaux-Arts museums in Tours and Rennes, for example.